Devant un public euphorique,
Depeche Mode réussit son retour
Triomphe forestois
pour Dave Gahan, Martin
Gore et Andrew Fletcher

BRUXELLES - Pantalon mou-
lant, singlet noir collé à la peau par
la transpiration, tatouages garnis-
sant des bras légèrement body-buil-
dés, coupe garçon coiffeur et surtout
sourire aux lèvres, Dave Gahan n'ar-
rête plus de saluer le public.
Les dernières notes de Just can't
get enough résonnent encore dans
le bunker forestois. La satisfaction
se lit autant sur le visage des fans
comblés par un show de deux heu-
res en forme de best of qu'elle se de-
vine chez celui qu'on croyait à ja-
mais perdu pour le rock et la vie.
L'euphorie suscitée par ce grand
retour, cinq ans après son dernier
concert chez nous (à l'Axion Beach)
et l'unanimité qui se fait à présent
sur la musique de Depeche Mode
ne doivent pas nous faire oublier
que, voici deux ans à peine, per-
sonne n'aurait osé parier un dollar
sur l'avenir du groupe.
Junkie aux tendances suicidaires,
Gahan n'en finissait pas alors de
brosser les sessions d'enregistre-
ment d'Ultra. Ses deux acolytes,
Martin Gore et Andrew Fletch Flet-
cher, ne savaient plus trop quoi pen-
ser et étaient à deux doigts de sabor-
der depeche Mode. ultra est finale-
ment sorti en avril 97 et s'est révélé
être un grand cru, mélangeant pop
spngs majestueuses et froides envo-
lées électroniques.
Toutefois, le groupe n'a pas osé
repartir directement sur les routes
pour défendre Ultra. La peur de re-
tomber dans les même pièges (dro-
gue, dépression, alcool et bagarres
internes) qui s'étaient refermés sur
eux lors du pénible Devotion tour les
tenaillait. Et pour être honnête, on
ne voyait pas comment leur chan-
teur, pâle épave humain, aurait pi
tenir le coup physiquement.
C'est donc avec une excitation
noyée de craintes que se sont scel-
lées, mardi soir à Forest National, les
retrouvailles entre depeche Mode
et son public. Visuellement et artisti-
quement moins ambitieuse que le
Devotion tour, cette tournée s'ap-
puie sur la nouvelle compilation en
deux CD des singles enregistrés en-
tre 86 et 98. A voir les réactions susci-
tées dès les premiers accords de a
question of time, on peut dire que le
public n'en demandait pas plus. Il a
eu ce qu'il souhaitait entendre : des
tubes, rien que des tubes.
Comme dans le passé, le plus dis-
cret reste Andrew qui bosse derrière
son clavier en scrutant de temps à
autre les spectateurs et le light-
show. Le plus appliqué, c'est sans
conteste Martin Gore qui passe des
sequencers à la guitare et colore,
quasiment à lui tout seul, l'atmos-
phère sonore du concert.
et puis, il y a Dave Gahan, visible-
ment le plus heureux d'être là. Il
faut le voir haranguer la salle. il faut
l'entendre pousser ses yeah ! et ses
all together pour accentuer l'effet
d'un refrain accrocheur. Il faut, en-
fin, l'imaginer satisfait d'avoir
chassé ses vieux démons. Sans être
une bête de scène, c'est lui qui foca-
lise toute l'attention. Sa voix ? Elle as-
sure toujours, même si certains mor-
ceaux (Stripped, Useless) passent dif-
ficilement.
Les effets les plus simples sont
souvent les plus efficaces. Depeche
Mode l'a compris. Régulièrement au
cours du set, leur responsable des lu-
mières braque des spots aveuglants
sur la foule avec l'effet de commu-
nion escompté. Sur Never let me
down again, le groupe pourra ainsi
se délecter, et nous aussi, de cette
marée de bras balançant de gauche
à droite. Plus tard, lors d'un Enjoy
the silence d'anthologie, rebelote
avec une lumière puissante sur les
quelque 9.000 spectateurs qui re-
prennent en choeur le refrain.
On retiendra encore l'enchaîne-
ment imparable de Enjoy the silence
et personnal Jesus, la version en solo
sur scène de Somebody par Martin
Gore, l'intensité de Home et le final
implacable de Barrel of a gun. En rap-
pel, le groupe remontera le temps
pour exhiber Just can't get enough,
dernière salve avant l'extinction des
feux. Rarement il a fait aussi chaud à
Forest. Au propre comme au figuré.

Luc Lorfèvre

Dave Gahan a chassé les vieux démons qui le tenaillaient et reprend peu à peu le plaisir de de retrouver sur
les planches. Vu la demande, il peut revenir quand il veut à Forest.


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